Dans un travail comme celui d'Emmanuelle Gailliez, les traits forment des boursouflures qui semblent être les plis de la mort, qui la plient, la déplient et la replient. Ces boursouflures - yeux clos, ou vides, têtes grimaçantes, crânes fendus en deux, papillons qui s'échappent du sexe des femmes - ne présentent pas tout de la mort.
Sous nos apparences de petites coquilles vides, une faille objective : la précision anatomique des tracés tente d'aller au plus creux de la chair. Cette chair éclatée, morcelée, en vol de papillons, en filets d?araignée cristallise un réseau de fils ténus.
La main d'Emmanuelle Gailliez se concentre à tracer les lignes les plus fines possibles et y renonce. C?est le cri de la chair, celui de la nervosité tendue, crier les boursouflures de l'être. Poupées, pantins, filles, jouets, femmes-squelettes, elles se tournent en dérision. Marquises et duchesses masquées de papillons, ce petit monde prolifère et marque le passage de la femme à l?enfant, cette régression.
Emmanuelle Gailliez affectionne la découpe. La figure se dessine dans le bois de manière tangible, à grands renforts de scie et de perforeuse, d'outils qui remplacent le doux frottement de la mine sur le papier. C'est cela dessiner dans l'espace, concevoir en volume ce qui n?était que chair et papier. Comme on découpe un quartier de viande, on tranche dans le morceau pour former un plat, on renouvelle l'anatomie du cadavre animal : pavé, épaule, tournedos, jarret, filet mignon, côtelette, langue. L'intervention de la main redonne forme à un morceau de chair et le rend viable et comestible. Tous ces préparatifs, fleurs, insectes, dentelles et vêtements d'apparats, s'arrangent comme le bouquet ou la cravate pour nous trouver moins misérables.
Ce qui intéresse Emmanuelle Gailliez, ce n'est pas de couler dans les sentiments et la colle du vivant, c'est de rendre cet instant figé où les jeux de regards, les expressions, les enfantillages, sont pris dans l'appareil photo, morts subitement d'être passés par là.